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L'approche transgénérationnelle

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« Cette séance a confirmé mon sentiment que, parfois, nous obéissons, notre vie durant, à un fantôme qui, au nom de l’éducation, de la morale ou de la religion, nous force à ignorer nos besoins les plus naturels, à les refouler, les combattre, ce que finalement nous payons par des maladies dont nous ne pouvons ni nous ne voulons comprendre le sens, et dont nous essayons de venir à bout en nous gorgeant de médicaments. Il arrive qu’au cours de certaines thérapies nous réussissions, en éveillant des émotions refoulées, à ouvrir l’accès à notre Moi véritable ».

Alice Miller, « Notre corps ne ment jamais », Champs essai, Paris, 2004.

Les héritages que nos ancêtres nous lèguent comportent des aspects positifs ; ce sont nos fondations familiales (coutumes, habitudes de vie…). Cependant, il y a bien des situations où les patients se sentent comme bloqués dans leur évolution : répétitions, ressentis de lourdeur et d'impuissance ; les thérapies dites traditionnelles ne vont pas toujours investiguer plus loin et nous nous retrouvons parfois avec des patients qui ne comprennent pas ce qui leur arrivent, même après de nombreuses années de cures.

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La psychanalyse transgénérationnelle trouve ses premières évocations dans les textes de Freud ; il parle de traces mnésiques dans « Pour introduire le narcissisme » en 1915, et aborde la notion des interdits dans « Totem et Tabou » en 1913 ; Jung, de son côté, parlera d’un Inconscient Collectif qui nous relierait tous, ce qui résonne dans le travail thérapeutique pour expliquer des références qui vont bien au-delà du patient lui-même.

 

Nicolas Abraham et Maria Torok sont les pionniers de cette approche et ils ont théorisé leurs cliniques en parlant de « fantômes », de secrets, qui sont comme enfermés ou même enkystés dans la crypte psychique des sujets ; les informations (ou événements), non symbolisées et non verbalisées, cachées volontairement ou dont on n'a pas connaissance encore, forment un noyau qui peut faire traumatisme. Ces secrets sont souvent liés à la honte car concernent bien souvent la sphère du sexuel: avortements, fausses couches, IVG, incestes, abus… mais aussi suicides, morts dites suspectes ou inexpliquées, répétitions de maladies... ; il se trouve qu’un lien s’établit entre des informations méconnues du passé d’un patient et les répétitions de vie sur lesquelles il semble ne pas avoir la main. Les phrases que l’on entend souvent sont : « C’est plus fort que moi ! », ou aussi « Je l’ai toujours su ! ». Serge Tisseron (« Les secrets de familles » - Que sais-je ? édition) parle de secret qui « suinte ».

 

Le psychanalyste Bruno Clavier en a fait son axe clinique, recevant aujourd’hui exclusivement des enfants avec leurs parents ; il observe que, dans son cabinet – un espace contenant pour la famille - lorsque les secrets de famille traumatiques sont dévoilés par les parents, l’enfant, présent, qui entend les choses, va mieux (cf. son dernier livre avec de nombreux cas cliniques où l’on peut parler de guérison). J’ai passé 1 an ½ auprès de Bruno Clavier comme stagiaire avec un suivi de 3 patients (1 enfant de 3 ans ½ présentant des troubles du spectre autistique, 1 enfant psychotique et 1 jeune adulte schizophrène).

 

Un point crucial est celui de la transmission… Comment les secrets peuvent-ils se transmettre sur 2, 3 ou 4 générations ? On parle d’introjection et d’identification projective en psychanalyse ou, pour d’autres approches plus ouvertes, de transmission d’inconscient à inconscient (notamment en physique quantique) ; l'étude des neurosciences proposera dans les années à venir peut-être une nouvelle lecture de ce phénomène ; notons que l'on peut parler aussi d’influence plutôt que de transmission.

 

La seule limite que cette thérapie peut rencontrer est celle liée à l’amnésie, qui a pu se mettre en place lors d’un événement traumatique, afin de se protéger et de continuer à vivre (mécanisme de défense de survie) ; la thérapie, en passant également par le retour au corps, peut permettre la levée des secrets (techniques aussi possibles : l’EMDR*, la psychophanie, la CPA*, l'E.F.T.* …). Les rêves, qui vont généralement se densifier au moment de la thérapie, peuvent aussi nourrir le processus.

 

 

Quelques références bibliographiques pour aller plus loin :

 

  • Bruno CLAVIER (2013) Les fantômes familiaux, Payot

  • Bruno CLAVIER (2019) Ces enfants qui veulent guérir leurs enfants, Payot

  • Virginie MEGGLE (2018) Quand l’enfant nous dérange et nous éclaire, Eyrolles

  • Anne ANCELIN (1993) Aïe, mes aïeux! Desclee de Brouwer

  • Nina CANAULT (2007) Comment paye-t-on les fautes de ses ancêtres, Pocket évolution

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* EMDR : Eye Movement Desensitization and Reprocessing - Désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires.

* CPA : Communication profonde Accompagnée

*E.F.T. : Emotional Freedom Technic - Technique de Libération Émotionnelle

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